Cloud de Confiance en qui ?
On parle beaucoup de Cloud sur fond de crise sanitaire, économique et politique. On parle aussi beaucoup de Souveraineté numérique. Et on reparle donc de Cloud Souverain avec le fameux Cloud de Confiance. Cloud de Confiance qui a laissé un certain nombre d’entre nous sceptiques(voir même, selon l’expression consacrée, turbo-vénères).
Je vous propose une série d’articles pour voir un peu plus clair dans tout ceci. En commençant simplement par l’anatomie du cloud. Et comprendre pourquoi les récentes annonces laissent à penser que l’infrastructure sera Souveraine et le Cloud américain.
Anatomie du Cloud
D’abord tordre le cou à certaines idées reçues.
“ Mon email c’est du cloud, mon stockage de fichiers c’est du cloud etc… ”
Il est nécessaire dans un premier temps de définir ce que l’on entend par Cloud. Malheureusement tout le monde n’a pas la même définition. On entendra régulièrement le terme Cloud dans le grand public pour parler d’un service opéré par quelqu’un d’autre et qui vise à gérer des ressources persos. Par exemple, vos emails sont dans le cloud, vous pouvez partager des fichiers ou documents avec des Dropbox, Google Docs et autres. Ce n’est absolument pas le sujet de cette série d’articles.
Ici on parlera de Cloud en tant que fournisseur d’infrastructure : l’industrie qui permet aux développeurs de tout type de logiciel (email, partage de fichier, bureautique, site web, bref presque tout en 2020) de le mettre à disposition de leurs clients ou utilisateurs via internet. Ce n’est pas Dropbox ou GDocs, c’est ce qui permet à Dropbox ou GDocs de fonctionner. Alors allons-y, c’est quoi le Cloud ?
“ Foncier, Hardware, Software - essentiellement du soft de plus en plus ”
“Le Cloud c’est l’ordinateur de quelqu’un d’autre”. C’est bien plus que ça. Le Cloud porte désormais les mêmes promesses que la transformation numérique. “Iterate Faster” comme on dit chez Clever Cloud: aller plus vite, mettre en prod plus vite, avec plus d’agilité, pour au final dépenser moins d’argent et coller au besoin du marché en livrant la solution la plus pertinente au moment voulu. On commence à se dire qu’il est difficile d’y arriver, simplement parce qu’on utilise ‘l’ordinateur de quelqu’un d’autre’.
Alors le Cloud c’est quoi ? C’est du hardware piloté par du software posé sur du foncier. Si on simplifie grossièrement un des scénarios possible de Clever Cloud on obtient ceci :
- Equinix qui fournit les mètres carrés, l’électricité (c’est plutôt gourmand de mettre tous les ordinateurs de quelqu’un d’autre au même endroit), les fibres optiques pour se connecter aux différents réseaux.
- BSO qui installe et maintient les machines en condition opérationnelle
- HPe, Intel, Nvidia et les autres qui fournissent le hardware, les machines, installés chez Equinix par BSO
- Clever Cloud qui installe tous ses logiciels sur les machines mises à disposition par BSO.
- Et un SaaS qui utilise Clever Cloud pour mettre son produit à disposition.
Si vous avez l’impression que cet enchaînement a du sens, c’est normal. On a affaire ici à une succession de fournisseurs d’infrastructure. Chacun fournit l’infrastructure du suivant. En simplifiant, Equinix fournit l’infrastructure de BSO qui fournit l’infra de Clever Cloud qui fournit l’infra du SaaS. On pourrait ajouter EDF comme fournisseur d’infrastructure d’Equinix. Mais on n’y pense pas. Ça semble évident. C’est progressivement devenu évident. Il en sera de même pour le Cloud. Mais entendons nous, on ne naît pas acteur de l’infrastructure, on le devient.
Continuons dans l’enfonçage de portes ouvertes en se mettant d’accord sur deux choses. L’infrastructure est un besoin obligatoire pour permettre l’exécution de son métier, un coût. Le métier c’est la valeur, ce que l’on vend.
Bien sûr, tout n’est pas si simple et il est tout a fait possible d’internaliser l’infra pour entre autres:
- Répondre à une contrainte métier propre à son entreprise
- Faire des économies.
Pas trop de questions à se poser sur la partie métier. Si vous avez besoin de descendre dans les couches, c’est que ce n’est plus de l’infrastructure pour vous : ça devient une part de votre métier. Cela peut être pour des questions légales. Cela peut être un besoin technique spécifique où la couche d’infrastructure qui serait nécessaire en principe n’est pas disponible à un niveau de maturité suffisant sur le marché. Ici il faut faire très attention : la tentation est grande et il est parfois difficile de déterminer voire de déplacer la limite, de laisser la main. Quand on contrôle tout depuis 20 ans, difficile de voir pourquoi on ferait autrement(ce qui est soit dit en passant un des sujets majeurs de la transformation numérique).
Sur la partie économie maintenant: internaliser son infrastructure pour réduire les coûts est une question d’échelle. Plus le marché qui adresse vos besoins d’infrastructure grandit et gagne en maturité et moins il est intéressant de l’internaliser pour faire des économies. Peu d’entreprises produisent leur propre électricité.
La transformation numérique du Cloud, du matériel au logiciel
Alors le Cloud dans tout ça, à quel niveau d’infrastructure se sont positionnées les offres existantes ? C’est à ce moment que l’on rentre dans les couches logiciels, qui représentent le principal différenciateur en 2021, et depuis un certains temps en fait. On peut en effet considérer que le foncier et le hardware ont disparu des offres mainstream. La plupart du temps, on a aucune idée des spécifications précises des machines disponibles. On sait au mieux que l’on dispose d’un certain nombre de vCPUs, de Ram, d’espace disque (SSD ou tournant) et l’on sait où tout ceci se trouve géographiquement. Parfois accompagné de certains niveaux de certification.
Et si on ne se pose plus de questions sur les détails sous-jacents, cela signifie que cette couche d’infrastructure a atteint un degré suffisant de maturité. L’offre est suffisante aux besoins de son métier, on regarde plus haut, vers les logiciels qui pilotent cette infrastructure. C’est ici que le choix s’effectue. C’est pour cela que le fameux cloud de confiance permet d’acheter du logiciel américain à utiliser sur de l’infastructure Européenne.
Peut-on résumer la comparaison entre fournisseurs d’infrastructure au prix demandé pour telle ou telle ressource ? La réponse est non. Ce n’est pas parce que l’on est un acteur d’infrastructure que l’on arrête de progresser. Il y a toujours de la compétition dans le monde de l’infrastructure. Certes c’est un marché dans lequel le nombre d’acteurs diminue et le ticket d’entrée augmente. Mais c’est l’addition du progrès technique et du prix qui fera la différence, les prix étant généralement sensiblement similaires et les marges des acteurs en baisse.
Par conséquent, quand les prix sont similaires et les marges en baisse, soit on se dit que l’on va augmenter ses bénéfices en augmentant les volumes de vente, soit on recherche l’innovation, on sort de sa condition d’acteur d’infrastructure et on augmente sa marge.
En 2021 le Cloud ce sont les fournisseurs d’infrastructure qui ont privilégié l’option marge ( si vous êtes clients d’un Cloud vous vous en êtes sûrement déjà rendu compte…); le plus gros de la valeur réelle vendu par un acteur Cloud, ce sont ces logiciels qui automatisent, facilitent encore plus l’implémentation de votre métier. Ces acteurs ont en quelque sorte réalisé leur transformation numérique. Il ne suffit pas de rajouter Cloud à son nom, il faut écrire du logiciel et c’est un autre métier.
Aie Confiance ?
Et c’est là que l’on reparle de Cloud de Confiance. Le discours tenu par le gouvernement autorise, voir encourage l’achat de licence aux Clouds américains. L’exemple donné pendant l’annonce de ce label était la collaboration Anthos/OVH. Dans ce cas précis l’infrastructure est fournit par OVH et le logiciel de Cloud est fournit par Google. Cela revient à donner le gros des budgets à des acteurs non souverains. C’est ballot.
A toutes fins utiles je rappelle que Clever Cloud est aussi éditeur de logiciel, on peut vendre notre logiciel de cloud.
Quand certains politiques répètent à longueur d’interview que le Cloud Européen est en retard en terme d’investissement, on peut même se dire que c’est contre productif et y chercher une forme de sagesse, en vain. Comment rattraper le retard si on encourage l’accroissement des investissements de ses ‘modèles’ au détriment des siens ? Ou alors c’est peut être une stratégie écologique de décroissance.
De toute façon, comme avec les tentatives précédentes, personne ne dira que c’est un échec, on dira simplement que ça n’a pas marché.
Prochain sujet: à quelles problématiques répondent ces logiciels ? Est-ce si compliqué que ça ? Ok le cloud c’est du logiciel, mais pourquoi ? Quels sont les besoins métiers qui poussent les fournisseurs de cloud à écrire toujours plus de code ?